27 May 1977 -French writers Bernard-Henri Lévy and André Glucksmann
converse on the set of the television show Apostrophes
Photo: © Sophie Bassouls/Sygma/Corbis
J'ai, pour commencer, été qualifié de philosophe à mon corps défendant. J'avais certes parcouru la succession d'examens et de concours qui vous sacrent professeur de ladite discipline. Je n'estimais pas que les palmes du « philosophe » pussent pour autant être déposées sur mon front. Je croyais que les détenteurs de ce titre prestigieux se comptaient sur les doigts de la main : Platon, Aristote, Descartes, Kant, Hegel. Peut-être Heidegger l'avait-il mérité du temps de sa jeunesse mais il compromit son titre en appelant étudiants et collègues à suivre le Führer. Pis encore, chacun ayant droit à l'erreur, il avait, après la capitulation du Reich, tenté, trente longues années, comme un gros chat, d'enterrer ses déjections dans le sable de sa théorie. Du moins me semble-t-il après lecture attentive. Passons.
Si, jeune homme, je plaçais la barre de la « grande philosophie » très haut, trop haut pour moi, mes contemporains au contraire la situaient très bas, plus bas que terre, car la prétention à la «sagesse» était passée de mode. Ils se voulaient alors savants et objectifs; ils s'affichaient sociologues, structuralistes, linguistes, économistes, dépositaires de savoirs plutôt qu'animés du désir de savoir. Le marxisme-léninisme, version École normale supérieure, régnait. Le vent tourna, dans les années 75-80, quand beaucoup de mes semblables se mirent à signer «psychanalyste et philosophe», «mathématicien et philosophe», biologiste et... historien et... écrivain et philosophe. La 2 CV Citroën se vit sacrer dans les gazettes «voiture philosophique». Que s'était-il passé? En déboulonnant les idoles du marxisme hégémonique dans l'intelligentsia parisienne, peut-être ai-je contribué à ce renversement. Lorsque de bonnes plumes rejoignirent mes blasphèmes, Bernard-Henri Lévy et les médias baptisèrent un peu abruptement cette cohorte provisoire et volatile «nouvelle philosophie». Si la science du matérialisme historique pliait sous les coups, force était de conclure que la volée de bois vert administrée, au nom de la philosophie, sur les adeptes de la dictature du prolétariat n'était pas aussi frivole qu'on aimait à le dire.
Je ne laissai pas d'être surpris du retentissement de mon essai intitulé La Cuisinière et le Mangeur d'hommes sous-titré insolemment : «Essai sur le marxisme, l'Etat et les camps de concentration». Le voisinage des termes sonna comme un coup de carabine dans un ciel serein. Mon éditeur avait laissé dormir le manuscrit dans son tiroir pendant plus de six mois, anticipant la diffusion médiocre d'un texte qui heurtait ses convictions de gauche. Sorti le 15 juillet 1975, sans intervention télé, un seul passage radio sur Europe dans la folie des départs en vacances, mais soutenu par un bouche-à-oreille flatteur et imprévu, porté par quelques articles spontanés et enthousiastes de gens que je ne connaissais pas ou mal (1) , il tourna très vite au best-seller.
Des dizaines de milliers d'exemplaires s'arrachèrent dans les librairies et s'échangeaient sur les plages. C'était drôle, curieux, inattendu. J'avais écrit dans l'isolement le plus extrême, sans souci du public, juste pour exprimer la rage et le désir que je partageais avec quelques amis de «ne pas mourir idiot». Le brûlot véhiculait une révolte à fleur de peau contre le plus grand mensonge du siècle : le communisme. Il était rédigé par quelqu'un qui y avait goûté dans son enfance et que le Tout-Paris estimait «de gauche». Je jouissais d'une «bonne réputation». ...
André Glucksmann
in Une rage d'enfant
[Chapitre 8. A quoi sert la philosophie ? * pp. 172-174]
Hachette Littératures
© Plon, 2006
1. Remerciements à Maurice Clavel, Jean Daniel et Bernard-Henry Lévy.
* Où il est suggéré que se connaître soi-même, c'est connaître Typhon en nous. D'où l'utilité des infos de 20 heures et l'examen des liaisons dangereuses: Freud et Junon, Alcibiade et Socrate, le prince Potemkine et le neveu de Rameau, Poutine et moi.
Paris, Mai 1968:
Photo: © Serge Hambourg
[...] Depuis trois jours, les étudiants parisiens manifestent violemment. Le jour, ils entreprennent de dépaver le boulevard Saint-Michel. La nuit, ils font la fête. Puisque la police occupe la Sorbonne, Daniel Cohn-Bendit tient salon sur la place, un millier d'étudiants l'entourent, assis sagement en tailleur sur le basalte, disposés à résister si les forces de l'ordre tentent de nettoyer les lieux. Un sondage conforte leur optimisme, paru dans la presse du matin: la population de Paris trouve les protestataires plutôt sympathiques, quoi que dise le gouvernement, malgré le boss du parti communiste qui dénonce «l'anarchiste allemand » fauteur de troubles, donc le complot de l'étranger et la CIA.
Le «rouquin sublime» tient le mégaphone lorsqu'un vieil homme très digne, très droit, une cape noire jetée élégamment sur l'épaule, fend la foule. Il vient, dit-il, «saluer» les révoltés. Il tient à désavouer publiquement son parti. Mazette! Une gloire nationale s'avance. Son nom circule comme une traînée de poudre, «Aragon!». Les étudiants sont médusés, « le » poète de la Résistance française, l'étoile du surréalisme et l'ancien porte-drapeau des intellectuels staliniens a sauté le pas. Il sourit à la foule, salue, prononce quelques paroles bienveillantes et, tel un dieu vivant, savoure par avance l'ovation.
Dany interrompt le début de messe, reprend sans ménagement le mégaphone, et, avec la gouaille qui lui colle à la peau, lance au grand écrivain stupéfait « Très bien! tu es avec nous, mais, avant que nous ne soyons avec toi, réponds de ton passé ! Tu as chanté "Hourrah l'Oural" quand des millions et des millions de Soviétiques étaient déportés, exterminés par le NKVD. Explique tes élégies à la gloire de Staline ! Tu n'as pas le droit de tromper à nouveau.» Et le jeune «mal élevé», qui eût tant plu à l'Aragon surréaliste, enchaîne sans pitié : «Aragon! tu as du sang sur tes cheveux blancs.» Le prince des poètes, livide, s'est figé. Pas un son ne sort de sa bouche, une grimace vient tordre son beau visage. Il tourne les talons et repart penaud. Courbé sous le poids de ses mensonges? La magie de l'insolence venait d'assener une belle leçon d'histoire. De celles qui permettent de comprendre, trente-cinq ans après, la jeunesse orange d'Ukraine et les roses de Géorgie. De quoi moins s'étonner quand Tbilissi ovationne Bush contre Poutine.
Ne voyez pas là un négligeable incident de parcours. L'originalité et l'éclat du Mai français tenaient à sa rupture, encore balbutiante et souvent inconsciente, avec l'idéologie communiste. Ailleurs, en Europe, il en allait tout autrement.[...]
André Glucksmann
in Une rage d'enfant
[Chapitre 6. La tentation de Combray * pp.130,131]
Hachette Littératures
© Plon, 2006
* Où l'on rencontre Mai 68, Jean-Paul Sartre et Tante Léonie. Qui donne congé à l'Histoire touche à une éternité pas belle à voir. Comment en soixante ans, Paris a zappé du discours de la victoire au discours de la défaite. Dans une Europe degré zéro, les guerres des mémoires tiennent lieu d'aphrodisiaque.
Image: Student leader Daniel Cohn-Bendit raises his arm for silence to allow poet Louis Aragon to talk to students on a megaphone.Courtesy of Serge Hambourg ici
« Le fond de l'amour c'est de penser à quelqu'un hors de sa présence, puis hors de propos, puis malgré la présence », écrit Hector Bianciotti rendant compte de la correspondance entre Rilke et Magda von Hattingberg.
Peut-être est-ce là le fond de l'amour. C'est sûrement le cas du transfert amoureux. La présence de l'analyste est la condition nécessaire pour qu'un transfert puisse naître; mais trop de présence, une présence trop affirmée, en chair et en os, et trop constante, entrave le déploiement du transfert, lui assigne une direction et une seule.
Absent présent, présent absent définit la place, la non-place de l'analyste: cette non-place sans cesse réinventée qui favorise la « correspondance » amoureuse, l'échange de lettres adressées à l'homme inconnu, à la femme lointaine.
*
Quand Freud écrit que l'amour de transfert ne peut pas être différencié d'un « véritable » amour, il reconnaît du même coup que tout amour est amour de transfert, non parce qu'il ne ferait qu'en répéter un autre, infantile, mais parce qu'il crée son objet, qu'il l'invente dans le double sens du mot invention : fiction et trouvaille.
J.-B. Pontalis
in En marge des jours
© Éditions Gallimard, 2002
Mais aqui
Après 1948, pendant les années de la révolution communiste dans mon pays natal, j'ai compris le rôle éminent que joue l'aveuglement lyrique au temps de la Terreur qui, pour moi, était l'époque où «le poète régnait avec le bourreau» (La vie est ailleurs). J'ai pensé alors à Maïakovski; pour la révolution russe, son génie avait été aussi indispensable que la police de Dzerjinski. Lyrisme, lyrisation, discours lyrique, enthousiasme lyrique font partie intégrante de ce qu'on appelle le monde totalitaire; ce monde, ce n'est pas le goulag, c'est le goulag dont les murs extérieurs sont tapissés de vers et devant lesquels on danse.
Plus que la Terreur, la lyrisation de la Terreur fut pour moi un traumatisme. À jamais, j'ai été vacciné contre toutes les tentations lyriques. La seule chose que je désirais alors profondément, avidement, c'était un regard lucide et désabusé. Je l'ai trouvé enfin dans l'art du roman. C'est pourquoi être romancier fut pour moi plus que pratiquer un «genre littéraire» parmi d'autres; ce fut une attitude, une sagesse, une position; une position excluant toute identification à une politique, à une religion, à une idéologie, à une morale, à une collectivité; une non-identification consciente, opiniâtre, enragée, conçue non pas comme évasion ou passivité, mais comme résistance, défi, révolte. J'ai fini par avoir ces dialogues étranges: «Vous êtes communiste, monsieur Kundera ? — Non, je suis romancier.» «Vous êtes dissident? — Non, je suis romancier. » «Vous êtes de gauche ou de droite? — Ni l'un ni l'autre. Je suis romancier. »
Dès ma première jeunesse, j'ai été amoureux de l'art moderne, de sa peinture, de sa musique, de sa poésie. Mais l'art moderne était marqué par son «esprit lyrique», par ses illusions de progrès, par son idéologie de la double révolution, esthétique et politique, et tout cela, peu à peu, je le pris en grippe. Mon scepticisme à l'égard de l'esprit d'avant-garde ne pouvait pourtant rien changer à mon amour pour les œuvres d'art moderne. Je les aimais et je les aimais d'autant plus qu'elles étaient les premières victimes de la persécution stalinienne; Cenek, de La Plaisanterie, fut envoyé dans un régiment disciplinaire parce qu'il aimait la peinture cubiste; c'était ainsi, alors: la Révolution avait décidé que l'art moderne était son ennemi idéologique numéro un même si les pauvres modernistes ne désiraient que la chanter et la célébrer ; je n'oublierai jamais Konstantin Biebl : un poète exquis (ah, combien j'ai connu de ses vers par cœur!) qui, communiste enthousiaste, s'est mis, après 1948, à écrire de la poésie de propagande d'une médiocrité aussi consternante que déchirante; un peu plus tard, il se jeta d'une fenêtre sur le pavé de Prague et se tua; dans sa personne subtile, j'ai vu l'art moderne trompé, cocufié, martyrisé, assassiné, suicidé.
Ma fidélité à l'art moderne était donc aussi passionnelle que mon attachement à l'antilyrisme du roman. Les valeurs poétiques chères à Breton, chères à tout l'art moderne (intensité, densité, imagination délivrée, mépris pour «les moments nuls de la vie»), je les ai cherchées exclusivement sur le territoire romanesque désenchanté. Mais elles m'importaient d'autant plus. Ce qui explique, peut-être, pourquoi j'ai été particulièrement allergique à cette sorte d'ennui qui irritait Debussy lorsqu'il écoutait des symphonies de Brahms ou de Tchaïkovski; allergique au bruissement des laborieuses araignées. Ce qui explique, peut-être, pourquoi je suis resté longtemps sourd à l'art de Balzac et pourquoi le romancier que j'ai particulièrement adoré fut Rabelais.
Milan Kundera
in Les testaments trahis
[sixième partie Oeuvres et Araignées [# 7, pp. 185-187]
© Milan Kundera / Editions Gallimard 1993
FIDÈLE À RABELAIS
ET AUX SURRÉALISTES
QUI FOUILLAIENT LES RÊVES
Je feuillette le livre de Danilo Kis, son vieux livre de réflexions, et j'ai l'impression de me retrouver dans un bistro près du Trocadéro, assis en face de lui qui me parle de sa voix forte et rude comme s'il m'engueulait. De tous les grands écrivains de sa génération, français ou étrangers, qui dans les années quatre-vingt habitaient Paris, il était le plus invisible. La déesse appelée Actualité n'avait aucune raison de braquer ses lumières sur lui. «Je ne suis pas un dissident», écrit-il. Il n'était même pas un émigré. Il voyageait librement entre Belgrade et Paris. Il n'était qu'un «écrivain bâtard venu du monde englouti de l'Europe centrale». Quoique englouti, ce monde avait été, pendant la vie de Danilo (mort en 1989), la condensation du drame européen. La Yougoslavie: une longue guerre sanglante (et victorieuse) contre les nazis; l'Holocauste qui assassinait surtout les Juifs de l'Europe centrale (parmi eux, son père); la révolution communiste, immédiatement suivie par la rupture dramatique (elle aussi victorieuse) avec Staline et le stalinisme. Si marqué qu'il ait été par ce drame historique, il n'a jamais sacrifié ses romans à la politique. Ainsi a-t-il pu saisir le plus déchirant: les destins oubliés dès leur naissance; les tragédies privées de cordes vocales. Il était d'accord avec les idées d'Orwell, mais comment aurait-il pu aimer 1984, le roman où ce pourfendeur du totalitarisme a réduit la vie humaine à sa seule dimension politique exactement comme le faisaient tous les Mao du monde? Contre cet aplatissement de l'existence, il appelait au secours Rabelais, ses drôleries, les surréalistes qui «fouillaient l'inconscient, les rêves». Je feuillette son vieux livre et j'entends sa voix forte et rude: «Malheureusement, ce ton majeur de la littérature française qui a commencé avec Villon a disparu.» Dès qu'il l'eut compris, il a été encore plus fidèle à Rabelais, aux surréalistes qui «fouillaient les rêves» et à la Yougoslavie qui, les yeux bandés, avançait déjà, elle aussi, vers la disparition.
Milan Kundera
in Une rencontre* p.160-161
© Milan Kundera 2009 - Éditions Gallimard 2009
* ... rencontre de mes reflexions et de mes souvenirs; de mes vieux thèmes (existentiels et esthétiques) et mes vieux amours (Rabelais, Janacek, Fellini, Malaparte...)...
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Ruy Cinatti (1915-1986)
Ruy Cinatti Vaz Monteiro Gomes", leu o escriturário por detrás do balcão do consulado de Portugal em Londres. Muito novo, era poeta ainda por publicar: acometeu-o uma aura de deslumbramento. Levantou os olhos do passaporte e fitou o homem do outro lado.
"O senhor é o Ruy Cinatti?"
"Sou, sou" respondeu o outro. "Não é por mal..."
Nada foi por mal, na vida do Ruy. Havia rigores desapiedados: "Eu, com o Antigo Testamento entendo-me. Mas depois veio aquele gajo, glú-glú, fló-fló — estragou tudo!" Esta dureza mais do que calvinista atravessava sem confrontos mortais a tibieza moral dos nossos costumes por vir entrecortada pelas interjeições onomatopaicas e outras idiossincracias verbais que faziam parte permanente da fala do Ruy. Quem tratava com ele aprendia a dar-lhes sentido (para o Senhor Moreira, há meio século dentro do quiosque do Príncipe Real, entra o ano sai o ano, do nascer do sol à meia noite, "glú-glú e fló-fló" queria sempre e somente dizer "um maço de Porto e uma carteira de fósforos"). Impediam que ele degenerasse de moral em moralista e agasalhavam numa capa de pudor a sua carência afectiva essencial.
Em "O Livro do Nómada meu Amigo" lê-se este verso:
"Quem não me deu amor não me deu nada."
A poesia é uma coisa, a vida outra: entre a palavra escrita e a conversa desconjunta-se um universo; além disso, mais ainda do que em outros grandes poetas, a maneira do Ruy falar de si era muito diferente da sua maneira de escrever. O sentimento que levara ao verso acima, poderia, de viva voz, chegar-nos assim:
"Gadulha, eu quero ir ao cinema..."
Ditos deste — e o jeito de os dizer — irritavam de sobremaneira muita gente que os tomava por exibição oportunista e ridícula de mimo. Mas não irritava quem encontrara em Ruy Cinatti qualquer coisa de inefável, um milagre fugaz e intermitente que nos fora dado testemunhar. Por dentro do casulo de maneirismos luzia um cristal indestrutível. No nosso mundo relativo vingara uma exigência de absoluto.
Nos últimos anos, deambulava pelas ruas de Lisboa, distribuindo fotocópias de poemas seus sobre Timor, espécie de Catitinha literário, figura de escárnio e compaixão. A tragédia de Timor, onde fora agrónomo e etnógrafo, tornara-se para ele uma obsessão moral mas os poderes que havia não o compreendiam nem o consideravam. A esquerda republicana — maçónica e machista — sempre o achara um diletante efeminado. Com os comunistas, em 1974, talvez se pudesse ter entendido mas, do lado de lá de um nevoeiro filosófico, eles eram, afinal de contas, tão brutais como os ocupantes indonésios da terra que ele amara sobre todas as outras. Os amigos de direita tinham desaparecido da política no 25 de Abril e a nova direita desconfiava do seu pendor igualitário. Da nova esquerda estava longe: "Eu fui criado à direita mas foge-me o corpo para a esquerda — e o que vejo por aí é o contrário". Isto no tempo da expansão marcelista, quando ganhar muito dinheiro passara a ser 'de rigueur' para o escol da gente nova, mesmo daquela que fizera nome no antifascismo universitário.
Uma das últimas vezes que estivemos juntos contou da sua ida ao Ballet Gulbenkian perguntar se o aceitavam (aos sessenta e cinco anos). Pôs um disco no gramofone e demonstrou. Depois dele sair, minha mulher, que é coreógrafa, disse-me que nunca vira nada assim: quem tenta dançar ballet sem ser bailarino procura sempre imitar a maneira de dançar dos bailarinos. Ruy Cinatti não imitara ninguém: entrara inteiro na música e, sem técnica, dançara com expressão lírica inultrapassável. Foi-se embora tarde, muito bêbedo e esqueceu-se lá em casa da boquilha que nunca cheguei a devolver-lhe. Guardo-a agora como uma relíquia. Nasceu no exílio em Londres em 1915 e morreu no exílio em Lisboa em 1986.
José Cutileiro
in Publico 9.6.1991
Imagem (e cinco poemas): aqui