À Lady Astor, première femme députée aux Communes qui lui avait dit, outrée par son arrogance: «Si j’étais votre femme, je mettrais du poison dans votre café!», il répondit:
« Et moi si j’étais votre mari, je le boirais!»
À une dame du monde, trahie par la nature, qui lui avait reproché son ivresse lors d'un dîner, il répondit: « Oui, mais moi, demain je serai sobre alors que vous serez encore
laide!»
À propos de Clement Attlee, leader travailliste qui l'avait battu aux élections en 1945, il répéta longtemps cette notation impitoyable: « Un taxi vide s'arrête devant le 10 Downing Street. M. Attlee en descend...»
Les mots cruels compliquent et retardent les carrières, et Winston Churchill en prononça tellement, en se faisant autant d'inimitiés, terrorisées et courroucées, qu'il connut plus d'un passage à vide, et notamment durant les années 30 où tout le monde le croyait un homme fini. Mais son intelligence, son énergie, sa valeur morale d'exception ainsi que sa manière de considérer sa vie, la Grande-Bretagne et son histoire comme les éléments d'un roman dont il serait le héros et l’écrivain, furent finalement récompensées par des circonstances à sa mesure: la défense intrépide et solitaire de la liberté face à une Europe submergée par la barbarie nazie. Homme d'un autre siècle et source d'enseignement pour le futur, aristocrate incapable de comprendre ce que voulaient les citoyens ordinaires et anarchiste visionnaire habile à les nourrir de rêve, despote domestique et démocrate sincère, esprit ouvert aux idées et caractère irrationnel, il fut historien, poète, peintre, ami des animaux, gaffeur, insupportable, attendrissant; en somme, comme le disait un de ses rivaux : cinquante pour cent génie et cinquante pour cent infantile. Aujourd'hui, comme pour de Gaulle, son faux jumeau, son vrai adversaire et son meilleur partenaire, on a tendance à forcer sur le pourcentage du génie et à s'émouvoir sur ce qu’il reste de l'infantile.
Car Churchill manque infiniment dans l'aujourd'hui des technocrates et de la politique frileuse et télévisée, comme tous ceux qui surent être à la fois des héros et des hommes en un temps qui fut bien près de s'abandonner aux criminels et aux tyrans.
George VI: "Eh bien, Monsieur Churchill,
c’est un grand jour pour vous, la fin de la guerre en Europe.
Permettez-moi de vous féliciter."
Winston: "Et moi de même, Votre Majesté. Ce fut une longue route."
Frédéric Mitterrand
introdução de Winston Churchill, in Destins d'étoiles - volume IV
© P.O.L.,Fixot,1991
imagem: Winston Churchill e sua mulher, Clementine, numa fotografia que descobri aqui