Entre le père Deau et moi, la correspondance reprend. Très vite, nous convenons de nous revoir en mai à Malagar car je dois m'y rendre pour terminer d'aménager le petit logement que la région Aquitaine met à la disposition de la famille Mauriac pour la remercier de lui avoir fait don de la propriété. Je lui avais décrit la colère puis le chagrin que j'avais éprouvés face à la décision de ma mère, de sa sœur et de ses frères. Leur volonté inébranlable malgré mes supplications, celles de mon frère et de mes cousines. Nous ne réclamions que de différer de quelques années leur choix. J'étais la plus acharnée car j'y allais souvent. Cette propriété était ce à quoi je tenais le plus au monde. Un paradis de l'enfance d'abord, des années délaissé, et un paradis pour l'adulte que j'étais devenue. Durant les huit dernières années de la vie de ma grand-mère, j'avais pris l'habitude de passer de réguliers séjours auprès d'elle. C'est là que nous avions appris à nous connaître et à nous aimer. À sa mort, grâce à l'insistance de ma plus chère amie, j'y étais retournée. Miracle, les jours heureux étaient tout aussi vivants et je pouvais y retrouver sans tristesse des êtres aimés et disparus. C'est là que j'ai commencé à écrire. Je pus en profiter encore deux ans puis je dus m'en aller comme en avait décidé ma famille.
Anne Wiazemsky in Un Saint Homme
© Éditions Gallimard, 2017
Fotos gentilmente cedidas por Meei-huey Wang.
Um artigo do Guardian aqui