Depuis des temps immémoriaux, l’homme distingue peur et angoisse: «En présence de ce qui est hostile on a peur, en présence des ténèbres on éprouve l’angoisse» (Hermann Broch). La peur est distincte, définie, provoquée par une chose précise, elle blesse un intérêt non moins précis : je crains la foudre, un microbe, une taloche, le grand méchant loup. Et je crains pour... ma vie, mon portefeuille, ma réputation. L’angoisse, en revanche, touche à tout. Elle taraude mon rapport au monde en général. Elle fait vaciller projets et repères. Elle trouble l’image des autres et de moi-même. Experts, politiques et psychologues ont beau s’évertuer à combattre les craintes croissantes par des précautions multiples et souvent vaines, ils peinent à contenir une impalpable angoisse. Quel démenti apporter au sentiment diffus de n'être plus sûr de rien ? Quelle garantie faire valoir à une humanité qui se découvre, se redécouvre soudain sans garantie? Même si les criminels ou leurs complices sont arrêtés et leurs réseaux éradiqués, ils suscitent des concurrents, des adeptes et des admirateurs, pas seulement des indignés. Une page est tournée. Nous vivrons et nos enfants survivront dans une histoire où l’explosion des tours redessine la carte de géographie et trace l'horizon indépassable d’un crépuscule terroriste de l’humanité. Le 11 septembre 2001 aura toujours lieu. C'est à l’échelle de son horreur médiatique et planétaire qu'il faut apprendre à mesurer nos émotions et nos décisions.
André Glucksmann
in Dostoïevski à Manhattan p. 15-16
© Éditions Robert Laffont,S.A., Paris 2002
O artigo de André Glucksmann "Ben Laden est mort, mais la haine survit", publicado esta semana no Le Monde, aqui
Outro excerto do livro, neste blog, aqui
In Remembrance of 9/11
Elizabeth Blackwell Elementary aqui